Salut cousin,
Hier, c’était la St Valentin, eh bien moi, c'jour là mon cousin, j'suis aussi triste qu'à la Toussaint. J't'avouerai qu' c'est même pire ! Parc'qu'à la Toussaint y'a plein d'gens qui sont tristes comme toi et si t'en éprouves le besoin, tu peux parler à d'autres du chagrin qu'tas toujours enfoui au fond du cœur, vu qu'toi t'es encore là et ceux qu't'as aimés très fort, ben...ils n'y sont plus. Mais t'en parles, et les gens t'écoutent. |
Par contre, l'jour d'la St Valentin, c'est une torture, à la radio, à la télé, on n’entend parler qu'du bonheur des amoureux, on n'diffuse qu'des chansons d'amour :" Les amants " d’Edith Piaf, "Laisse moi t 'aimer" d 'Mike Brant, "Je l'aime à mourir " d'Francis Lalane et je t'en passe ...je t'en passe... De toute façon j'sais que toi, quand t'entends c'genre de romance, tu tournes le bouton, vu qu' t'as très vite tiré un trait sur tout ça et qu' t'as jamais aimé qu'une femme inaccessible qu'en n'a jamais rien su !...N'y r'v 'nons pas, j' t'ai déjà dit dans l'temps c'que j'en pensais, j'vais pas t'retourner le couteau dans la plaie.
R'venons plutôt à moi mon cousin car y a qu'à toi que j'peux confier ça, même aux potes du G R S, j'y dirais pas. Quand on a fêté notr' dernier St Valentin, Marie et moi, j'l'ui ai dit un p'tit mensonge et j'm'l'pardonne pas vieux. Tu sais ben que, comme toutes les femmes, elle aimait les "tirades à la Cyrano", alors, une fois l’an, comme j'm'y prenais bien à l’avance, j'arrivais toujours à lui glisser dans l'bouquet qu'j'lui offrais quelqu's lignes bien troussées, qui lui faisaient fondre le cœur, mais qui v'naient du tréfonds du mien. Son sourire et la lueur de ses yeux m'récompensaient bien d'tous mes efforts, vu qu'l'écriture en vers, c'est pas mon fort...
Mais la dernière année, j'avais tellement d'chagrin à la voir s’affaiblir, qu'l'effort, j'lai pas fait. Alors, le moment venu, j'lui ai offert un bouquet gros comme un pommier au printemps et j'm'étais bien appliqué pour écrire les mots qu'j'avais choisis ; c'est un secret mais à toi, mon cousin, j'vais les révéler ces mots : |
"Si un jour je meurs, Et qu'on m'ouvre le cœur, On pourra y lire en lettres d'or, Je t'aime encore." |
Tout émue, elle a tourné vers moi son beau regard clair et m'a d'mandé : "C'est de toi ça, Blaise?"Et moi, Toine, j'ai répondu oui, j'lui ai menti ! C'qui était vrai, c’est qu'j'le pensais très fort mais ces vers là, j'les avais lus qu'lqu'part et ils s'étaient gravés dans un coin d'ma tête avec le nom d'leur vrai auteur: "Shakespeare ", un auteur même pas d'chez nous!
Depuis, à chaque St Valentin, j'lui d'mande pardon pour ce mensonge .Dis-moi, Toine, tu crois qu'elle m’a pardonné?
J'peux plus écrire vieux, à plus!
Blaise |